mercredi 31 mars 2010

Bain de culture à Haridwar

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Ca fait quelques temps déjà que Natalia et moi évoquions l’envie d’aller à Haridwar, et Gautam nous avait répondu qu’il y avait de la famille. Nous avons donc convenu d’y passer le week-end.
Le bus, qui aurait dû durer un peu moins de 2 heures, a mis plus de 3h30 (après tout je ne sais même pas pourquoi je le mentionne !) Vers 23h, Gautam nous indique que sa tante habite à 30 minutes (1h30 donc) et il s’aperçoit que ça fait peut-être un peu loin. Quelques coups de fil plus tard, il est convenu que nous logions dans une autre branche de sa  « famille ». Le terme famille étant exagérément étendu ici (il englobe tout un tas de personnes qui ne sont techniquement pas de la famille) impossible de savoir chez qui nous serons. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de lever le mystère, mais quand on lui demande si c’est une autre tante, Gautam répond « on peut dire ça oui »…d’accord. Tout comme pour son âge ou les dates en général, savoir qui est ''génétiquement'' de sa famille n’a pas l'air crucial. 
Cette tante-là donc, il la connait pour l’avoir rencontré à Dhampur, mais il n’est jamais allé chez elle. V’la aut’chose ! Après avoir déambulé une bonne demi-heure, nous sonnons à une porte. Contre toute attente, c’est un étranger qui pointe le bout de son nez au balcon. Il nous toise d’un air suspicieux, et je le comprends. Que font deux blanches et un indien à cette heure dans un quartier résidentiel ? On essaye de lui expliquer qu’on cherche la famille de notre ami, ce qui le rend encore plus méfiant. « Ne devrait-il pas savoir où ils habitent, si c’est sa famille ? » Oui mais, on est en Inde, et c’est Gautam !
Vers minuit et demi on pose enfin nos sacs chez la tante. Elle nous sert le chaï et les biscuits comme s’il était 4h de l’après-midi. Plusieurs membres de la famille (ça inclut peut-être les voisins, les amis, le chauffeur…) se joignent à nous, apparemment trop curieux pour attendre le lendemain. Natalia et moi sommes exténuées, mais ça n’a pas l’air de les déranger. On grignote en silence, puisque après tout, pas besoin de parler, on peut se regarder, c’est déjà tellement fascinant ! De toute façon entre notre hindi et leur anglais…la communication est limitée.
On espère que nos bâillements à répétition vont faire passer le message, mais non. On commence donc à se préparer…je m’éclipse pour enfiler mon pyjama et me brosser les dents, Natalia transfère les coussins d’un canapé à l’autre…Quand je reviens la smala est toujours installée dans la pièce qui va nous servir de chambre. Aïe, comment dit-on « dodo » chez eux ?? Une fois le lit déplié, la tante et sa fille sont toujours là, assises au bord lit ! Il a fallu qu’on se glisse sous les draps pour qu’enfin elles acceptent de nous laisser dormir. Je savais que la notion d’espace n’était pas la même, mais rien de tel qu’une petite mise en condition pour s’imprégner du concept !

Le réveil sonne à 8 heures, dans l’espoir de profiter de la journée. C’est sans compter que la tante insiste pour nous servir le petit déjeuner, certes délicieux, mais à 10h30 ! Je sais, quand on est chez les gens, on s’adapte, mais je ne suis pas très à l’aise parce que mon ami Franck, le réalisateur de "Around Canada" avec qui j’ai travaillé à Montréal, nous attend à son hôtel. Il commence son tour du monde par l’Inde et a fait 6 heures de bus pour qu’on se retrouve à Haridwar.
Deux « cousines » de Gautam (pour autant on ne sait pas vraiment si ce sont les filles de la « tante ») nous servent de guide tout au long de la journée. Au programme, visite de temples, balade sur les quais du Gange, bain (juste les pieds pour moi). La rivière à cet endroit est encore relativement propre, elle coule tout droit de l’Himalaya (non pas que ce soit déterminant pour les indiens). 


 En cette période de Kumb Mela, Haridwar rappelle vaguement Las Vegas sans les casinos (mais avec les lumières), et Disneyland sans les manèges (mais avec les files d’attente). La Kumb Mela est le plus gros rassemblement religieux au monde. Elle a lieu tous les 12 ans (chanceuse!) et dure un peu plus d’un mois. Le soir nous avons donc assisté au rituel que viennent accomplir des milliers de pèlerins, à savoir allumer une bougie que l’on dépose sur la surface du Gange. On est resté quelques temps assis à contempler le spectacle des flammes qui vacillent au gré des flots.


J’ai deux manières de réagir à une atmosphère embarrassante. Soit ça me pèse, je suis grincheuse et ça se voit, soit je fais le clown. Sans que je puisse vraiment contrôler quelle réaction je vais avoir, elles se font pratiquement tout le temps dans cet ordre. Après avoir été passablement énervée par le comportement de notre famille d’accueil, je suis passée en mode clown au dîner. Ça a détendu l’atmosphère, et quand à 2 heures du matin ils me demandaient encore des pitreries, j’ai préféré en rire.

Le lendemain nous parvenons à décoller tôt, malgré un au-revoir charmant mais interminable sur le pas de la porte. On rejoint Rishikesh dans la matinée, et à peine sortie du bus je préfère déjà cette ville à Haridwar. C’est touristique, mais on comprend pourquoi. Ici tout est plus paisible, même le Gange semble couler un peu moins vite. Pour l’anecdote, Rishikesh est devenu la capitale mondiale du yoga depuis que les Beatles y ont fait un séjour en ashram en 1960. Nous on se contentera de faire une belle randonnée avec chutes et bains d'eau et de soleil à la clé.J'en profite aussi pour acheter des bracelets de cheville, histoire de compléter ma panoplie de la parfaite hippie. J'ai résisté à l'envie de me (re)percer le nez, mais j'ai toujours des mèches rose-rouge en souvenir de Holi.

Le retour sur Dhampur est interminable, à cause de la Kumb Mela il y a un trafic monstre et notre bus est plein à craquer. Mais comme souvent, ces détails sont insignifiants comparé au plaisir de la découverte.

lundi 29 mars 2010

Paneeeer!

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Je me suis transformée en photographe pour les photos de classe, distribuées à tous les enfants pour leur dernier jour d'école. La nouvelle année scolaire débute le 5 avril.
PS: le titre fait référence au mot paneer (se dit panir), la traduction locale de "cheese"...pour faire sourire les enfants. (Oui parce que fromâââge, très moyen).

vendredi 26 mars 2010

Delhi-cieusement Delhi-rant


15 enfants de 8 ans, 7 heures de bus à l'aller, 7 heures de bus au retour, 2 journées de 12 heures de visite: c'est la recette du cocktail...du russe là...ah oui Molotov, made in Delhi.
Le résultat est épuisant mais gratifiant et récompensant!
J'appréhendais un peu le voyage avec la 3ème classe. Je connais les élèves pour les avoir en cours d'écriture créative et théâtre, mais leur niveau d'anglais laisse à désirer pour la plupart et j'étais donc moins proche d'eux que des élèves des 4ème, 5ème et 6ème classes. D'autre part j'avais un peu honte de ne pas avoir encore retenu tous les noms, après plus de deux mois de cours! C'est là que j'ai compris à quoi servaient les 7 heures de bus. C'était probablement calculé pour que j'ai le temps d'apprendre les noms en regardant les cartes d'identité. Vous me prenez pour une demeurée? Ah oui mais pas de Marie ou Jean dans ma classe. Pranav, Sartak, Keshav, Yashvi, Vishwa, Shuaib, Vibhouti, Vivek, Muskan, Gurleen...même les noms des molécules génériques de mon médicament contre la malaria sont plus faciles à retenir.
Mais ces petits monstres sont très attachants, et à quelques exceptions près, ils ont été adorables.
Et le bus...un tape-cul sur roues: type de balançoire qui consiste en une planche équilibrée, articulée par son centre de gravité. Un joueur est assis à chaque extrémité (d'un côté le chauffeur, de l'autre moi) et selon la vitesse et la taille des nids de poule, les joueurs peuvent se faire faire des bonds plus ou moins décollés du siège. Une chance que je ne mesure pas 1m75 parce que j'aurais été assommée au plafond plus d'une fois. En revanche impossible d'éviter d'attérrir sur le siège du voisin, ou la poignée devant mon siège, ou le loquet de fermeture de la fenêtre. Bref. Je n'ai pas eu autant de bleus depuis le temps ou je courais les champs en culotte courte.
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Ceci étant dit, je pense qu'en deux jours j'ai vu tout ce qu'il y avait à voir à Delhi! Red Fort, Qutb Minar, Purana Qila, Jantar Mantar (observatoire astronomique) et le centre administratif des jeux du Common Wealth 2010 juste à côté, Dilli Haat, India Gate, Rajpath, le zoo, le musée des poupées, le musée du train, les temples Lotus et Akshardham (une merveille architecturale, certes récente mais époustouflante).
Un de mes plus beaux souvenirs reste l'émerveillement des enfants face aux gadgets de la ville: on leur a fait prendre le métro (qui est, au passage, plus moderne que la ligne 14 parisienne et la ligne orange montréalaise réunies). Certains n'avaient jamais emprunté un escalator, et je me suis donc retrouvée à porter Ananya pour la mettre sur la première marche, tout en tenant la main à Yashvi, qui tremblait jusqu'à ce qu'elle puisse enfin sauter à pied joint sur la terre ferme.
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Seule ombre au tableau, les enfants balancent leurs déchets absolument n'importe où, et il est très difficile de leur faire comprendre que ça ne se fait pas puisqu'ils voient leurs parents (et professeurs) le faire! Mais j'ai mené cet incessant et vain combat sans baisser les bras, ne serait-ce que parce que les voir souiller leur pays un peu plus me frustrait tant. Dans le même ordre d'idées, j'ai été complétement révoltée de surprendre une des profs accompagnant en train de taguer un des monuments du Red Fort au stylo rouge, devant (et sûrement pour!) une poignées de gamines pour qui ce geste est devenu en l'espace de 5 minutes acceptable. Sandra et moi avons essayé de la dissuader, même si le mal était fait, mais elle a fait mine de ne pas comprendre. Pratique la barrière de la langue!
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J'ai particulièrement aimé le temple du Lotus, pour le silence et la sérénité qui y règnent, et le Qutb Minar, ou tour de la victoire, un très beau site datant du 13ème siècle où l'on s'est reposé adossés à l'ombre d'un arbre.
Je n'ai pas adoré le zoo, mais je n'aime pas les zoos de manière générale, parce que je ne prends pas grand plaisir à observer les animaux derrière des barreaux. Alors oui, j'ai vu deux tigres blancs, mais j'aurais préféré n'en voir qu'une photo, plutôt que de les regarder creuser des rigoles à force de faire les cent pas dans leur cage.
Pour l'anecdote, Sandra et moi avons toutes les deux été malades le premier jour. J'ai tout de même fait le programme complet des visites, mais littéralement pliée en deux. A chaque pas mon ventre me suppliait d'arrêter et à chaque arrêt il me suppliait de me remettre en route. At some point I asked him to make up his mind, but his mind just answered "piss off". So I did.
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Le trajet du retour m'a paru plus long qu'à l'aller, peut-être parce que je venais de dire au revoir à Sandra, qui est partie renouveler son visa au Népal. J'ai quand même réussi à lire une centaine de pages de "The Time Traveler's Wife", entre deux jeux de mains, grimaces et chansons avec les monstres. Certains peuvent dormir n'importe où et n'importe comment, les indiens en sont un bel exemple; moi je peux lire n'importe où et n'importe comment. Pas de mal des transports, ce qui, pour une baroudeuse en herbe, est une bénédiction.

Lotus Temple

Red Fort

pyjama party avec bataille d'oreillers

Hippo...condriaque?

Sands' (ra & ie) devant le Purana Qila

Qutb Minar

Ananya, Vibhouti & I

3ème classe au Jantar Mantar

Muskan au musée du train

jeudi 18 mars 2010

La saison des anniversaires

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Après la saison des mariages vient la saison des anniversaires. Quoi de plus naturel? Je me demande juste si la conception d'un enfant est calculée aussi précisément que la date du mariage, en fonction des astres, mais je ne serais pas étonnée que ce soit le cas.
Nous avons assisté à trois anniversaires d'enfants en l'espace d'une semaine, et le déroulement est sensiblement similaire d'une fête à l'autre. La pièce principale de la maison est décorée avec des guirlandes en papier crépon et des ballons. Les invités, souvent des amis et collègues des parents, sont assis en rond autour d'une petite table où trône le gâteau à la crème (littéralement, un énorme gâteau, à la crème!)
La tradition veut que le gâteau se mange en début de soirée. Les proches de l'heureux fêtant lui donnent tour à tour un doigt couvert de crème à sucer. Chacun appose aussi un point rouge sur son front (avec un autre doigt) et colle quelques grains de riz (pour la chance?). Quelques cônes d'encens enfument agréablement la pièce, rendant au passage toutes les photos floues.
Si on offre un cadeau groupé, tous les participants posent une main sur le cadeau au moment de l'offrir. Les présents seront ouverts après la soirée. 
Le dîner est soit servi aux invités assis en rond par terre, soit sous forme de buffet.
Si l'enfant n'a pas résisté à l'appel des cadeaux, s'ensuit une session de testage des jouets. Sinon, la soirée se termine après le dîner.
Ci-dessous les photos du premier anniversaire de princesse Tulika, revenue en bonne santé de ses nombreux examens à Delhi (OUF!). Elle a retrouvé sa pêche habituelle et nous donne quelques précieuses minutes de pur bonheur quotidiennement avec ses risettes.

mercredi 17 mars 2010

Sports Day en live action

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C'est à Sandra, une autre volontaire, que nous devons cette belle journée de compétition. Au programme, une série de matchs opposants les quatre maisons de l'école: rouge, jaune, vert et bleu. Les équipes s'affrontent en groupe ou par des représentants selon les disciplines, allant du badminton au volley en passant par le foot, l'athlétisme, le basket, le ping-pong et le handball.
Ci-dessous une série de clichés "en pleine action", qui en disent bien plus que ce petit paragraphe introductif!

 

mardi 16 mars 2010

S&S @ Chandi-Amri


Il était temps! Après deux mois d'attente, S&S respire enfin. Nous ne remercions pas Air Arabia, à cause de qui nous avons perdu 1 jour complet en raison de l'annulation du vol initial de Stéphane. Du coup j'ai passé une nuit et une journée à Delhi avant de le retrouver. J'ai opté pour un dortoir et j'ai rencontré Joana, une back-packeuse portugaise avec qui j'ai partagé un dîner sur un toit-terrasse donnant sur Connaught Place. Un ami indien de Joana est passé nous chercher dans une voiture de luxe (de toute façon comparé à un rickshaw même Feu ma R5 est une rolls) et nous a emmené boire un verre (enfin une bouteille) de vin blanc dans un bar branché de New Delhi. Je ne peux pas dire que ça faisait deux mois que je n'avais pas bu une goutte d'alcool, parce que vivant dans une usine de sucre j'ai l'occasion de siroter du bon rhum de temps en temps, mais en tout cas ça faisait bien deux mois sans vin! Et sans aucun doute deux mois loin d'un endroit comme le Knight! C'était assez fou de se retrouver propulsée dans l'Inde "riche" sans y être préparée, définitivement un voyage dans le temps et l'espace!


C'est avec une nouvelle tenue achetée au Main Bazaar de Paharganj que je vais attendre Stéphane à l'aéroport (on peut être baroudeuse et rester un peu mignonne quand même...de temps en temps!). Après une courte nuit, nous prenons un bus de 5h pour rejoindre Chandigarh, où nous ne resterons que le temps d'un déjeuner, avant d'enchaîner sur un autre bus de 5h vers Amritsar. Nous prenons à peine le temps de déposer nos affaires à l'hôtel, et entamons une première visite du Temple d'Or, by night, magique. 


Le Sri Armandar  Sahib est le lieu sacré des Sikhs, des milliers de pélerins y affluent à longueur d'année. Rien que le nom Amrit (bassin) Sar (nectar)  reflète bien l'importance de ce temple et son bassin de nectar sacré. C'est un endroit étonnant et majestueux, de par sa beauté bien sûr, mais surtout grâce à l'atmosphère paisible et l'incroyable tolérance qui y règnent. Ici, personne ne fixe personne. Tout le monde est bienvenu, personne n'est vraiment étranger dans la foi. Peu importe les croyances ou l'apparence physique, le Temple d'Or impose le respect. Hommes et femmes sont priés de se couvrir la tête et marcher pieds nus. A part ça on y fait ce qu'on veut, mais tout ce qu'on a envie de faire c'est s'assoir au bord du bassin sacré et prier, méditer, penser...bref, prolonger ce moment où le temps s'arrête. 



Plus petit mais très semblable à son grand frère, le Temple d'Argent (il tient son nom de ses portes en argent) est très agréable à visiter, ne serait-ce que parce qu'il n'y a pratiquement personne, surtout comparé à la foule (certes disciplinée et silencieuse)  qu'on trouve jour et nuit au Temple d'Or.
Amritsar est aussi la ville où le mouvement d'indépendance a démarré, suite au massacre de quelques milliers de manifestants indiens pacifistes par les anglais en 1919. La place de Jallianwala Bagh  où a eu lieu le massacre est aujourd'hui un beau jardin commémoratif.


En fin d'après-midi l'attraction de la région est la cérémonie de clôture quotidienne de la frontière Indo-pakistanaise. A presque une heure d'Amritsar, Atari est le point d'où l'on peut observer les soldats indiens et pakistanais jouer leur comédie de coqs, simulant un combat à travers une marche et une petite danse saccadée. Pour l'ouverture de la cérémonie, les femmes courent par deux avec le drapeau indien dans les mains, jusqu'au portail entre les deux pays. Puis les enfants dansent et un animateur s'assure que la foule participe au spectacle. Côté pakistanais, les gradins sont plus longs à se remplir, mais au moment crucial où les deux pays descendent leurs drapeaux à la même vitesse, les voix et les applaudissements se mêlent.

C'est sur le retour que nous faisons un arrêt plus significatif à Chandigarh, avec la visite du Nek Chand Fantasy Rock Garden, un des sites les plus visités de l'Inde à ce qu'il paraît! Tout le monde est fasciné par l'œuvre de cet artiste qui crée encore aujourd'hui des statues à partir de matériaux de construction recyclés.
Des murs de prises électriques aux animaux fantaisistes, le tout est un étrange mélange entre le labyrinthe d'Alice au Pays des Merveille et un décor de Tim Burton. S'il y a bien un endroit où l'on se réjouit de soutenir le recyclage des déchets par l'art, c'est bien en Inde!
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Ça n'est pas l'irrésistible envie de remonter dans un bus ou un train qui nous garde de passer une nuit à Chandigarh, mais plutôt le prix des hôtels de cette métropole moderniste. Dessinée par Le Corbusier, cette ville à l'architecture occidentale est très déstabilisante. De grands secteurs rectangulaires aux larges boulevards résidentiels se succèdent, ne laissant aucune place au chaos indien. Les routes ont des feux, des lampadaires, des trottoirs, mais pas de vache, de chien errant, pas de vendeur de rue, bref, pas de vie. Nous avons tout de même profité de la vue sur le lac artificiel Sukhna (qui nous a étrangement rappelé le Malecón 2000 de Guayaquil, sûrement pour son côté très superficiel) avant de rentrer à Dhampur.

jeudi 4 mars 2010

3x Holi, Jaipur, et les éléphants roses


Holi, festival des couleurs. Holi, célébration du printemps. Holi, ou l'art de peindre la ville et ses habitants en une toile de Vassily Kandisky. Holi, ou rougir de plaisir à la vue d'un éléphant rose sirotant un jus d'orange, tout en étant vert de rage à l'idée de jaunir son bleu de travail.

 
On nous a dit que le festival Holi était un moment fou, on ne nous a pas menti. L'école a célébré Holi vendredi avant le congé du long week-end, et ainsi mon baptême des couleurs s'est fait en grandes pompes. On commence en douceur, en se traçant du bout des doigts des lignes sur le visage avec de la poudre de couleur. Très vite ce sont les mains entières qui tapissent le cou et les bras. Puis on réalise que la poudre est volatile et vient donc se coller aussi sur les vêtements, le sac et l'appareil photo. Les enfants dégainent leur pistolet à eau ou leur bombe de mousse et la poudre devient peinture. A ce stade on se transforme rapidement en arc-en-ciel. Le temps de constater que la peinture ne part pas du tout aussi facilement que la poudre, les garnements ont rempli des seaux, et ça se termine en bataille de peinture sur la pelouse de l'école.

Après 3 shampoings, mes cheveux sont toujours rose et j'ai refais la déco de ma salle de bain. A peine le temps de se changer et Natalia et moi harnachons nos sacs-à-dos, direction Jaipur!






Etre sur la route à nouveau est exaltant. Même après un bus d'1h30, un train de 3h30, et une courte nuit à Delhi, je suis aussi excitée qu'après un grand huit sans les mains! Nous trouvons le temps d'admirer la superbe mosquée Jama Masjid à l'aube, et d'avaler un petit déjeuner couleur locale (chaï et samosa) avant le dernier trajet de 5h30.


C'est sous un soleil de plomb que nous entamons notre marche dans Jaipur la rose en début d'après-midi. Le contraste des températures est tellement saisissant que j'ai l'impression d'être dans un parc d'attraction qui simule l'été. Si être à Dhampur me rappelle quotidiennement que je suis ici en "mission", Jaipur rime définitivement avec vacances (même s'il manque la mer pour que cette définition soit exacte selon mes standards). Évidemment à la première occasion nous nous mettons à table, autour d'un délicieux assortiment de chana masala et sauce paneer-légumes. Et les épices? Même pas mal! Na!
Le reste de l'après-midi est dédié au shopping, peu fructueux pour moi qui suis dure en affaires. Jaipur étant une ville très touristique, les commerçants marchandent peu! Je suis d'autant plus fière de repartir avec une nappe pour ma collection; premier prix 550, achetée 180. Ca c'est du business!
En revanche je termine la balade des bazars frustrée. Dans une boutique j'ai repéré le sac de mes rêves. L'ambiance est chaleureuse, on m'offre un chaï, je suis persuadée de repartir comblée. Mais le prix que me donne le vendeur est exorbitant et ses efforts de négociation sont ridicules. Ma déception est aussi grande que mon envie mais je ne cède pas. 3 jours plus tard je pense encore à ce sac. Au moins je suis sûre de le vouloir, mais pas à ce prix!
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En cherchant un endroit où dîner, nous rencontrons un marionnettiste dans la rue. Il nous montre ses poupées rajasthani, nous fait une petite démonstration dans son échoppe. On prend ses coordonnées, l'école pourrait apprécier ses services.




Le matin suivant nous visitons le Hawa Mahal, le palais du vent. L'intérieur est très beau, mais c'est seulement la façade du bâtiment qui est vraiment typique, avec ses dizaines de petites fenêtres d'où les  nombreuses femmes du Raj pouvaient regarder la rue sans être vues.


Nous arrivons tôt au stade Chaugan, où a lieu le festival des éléphants, grâce à quoi nous pouvons admirer les pachydermes de près avant le défilé, obtenir une place assise à l'ombre (une aubaine!) et même nous inscrire pour participer à l'activité "fêter Holi à dos d'éléphant"!
Très vite le stade se remplit, et la foule indisciplinée envahit la pelouse. L'animatrice tentera en vain de rétablir l'ordre: "please sit down, sit down so we can all enjoy the mighty jumbos".

Après le défilé et l'élection de l'éléphant le mieux décoré, on assiste à quelques jeux et un spectacle de danse mettant en scène Krishna. Malgré l'ambiance de foire chaotique, nous parvenons à distinguer l'appel au micro: "Natalia from the US, and Sandie from France". Nous sommes invitées à rejoindre la douzaine de VIP riders (Very Important Pachyderm). Notre éléphant accepte gentiment de s'assoir, et on l'escalade à l'aide d'une corde. Quand il se redresse je suis à nouveau sur un grand huit, avec les mains cette fois.
Les organisateurs nous tendent des sacs de poudre de couleur et nous encourage à les balancer sur la foule en délire quelques mètres plus bas. May Holi begin!
Je commence timidement, dispersant des petits nuages bleu, vert et jaune à droite à gauche, lorsque sans prévenir, le "chauffard" de notre éléphant me flanque tout son sac de rose en pleine figure. J'en mange la moitié, et je pleure l'autre moitié. C'est le moment que choisit un journaliste pour me tendre un micro et braquer une caméra sur la barbe à papa que je suis devenue. Première impression? Je vois la vie en rose! Après ça tout s'accélère, littéralement. Notre éléphant charge la foule, mais de là haut nous nous en apercevons à peine. Les couleurs volent dans toutes les directions.
En dés-escaladant l'animal, on s'aperçoit qu'on a monté notre préféré, celui qui a un tigre peint autour de l'œil.On donne encore quelques interviews et on s'éclipse, plus fluorescentes et multicolores que le caméléon JVC, fatiguées de devoir faire des scènes suite aux attouchements que provoque inévitablement ce genre de rassemblement.

Lundi matin, jour officiel des couleurs. La première chose que je vois au réveil est mon oreiller orange, vert et violet. L'idée de me faire poudrer une troisième fois ne me fait pas sauter au plafond.

Pendant le petit-déjeuner mon amie Laura, dont j'attendais des nouvelles, appelle et nous nous retrouvons à la gare pour passer la journée ensemble.
Dans la rue l'ambiance rappelle vaguement notre carnaval Charivari, pendant lequel, un jour seulement, tout est permis. On voit peu de femmes, beaucoup de jeunes sont saouls et traquent les touristes pour les peinturlu-toucher sans ménagement.

Afin d'éviter de ternir notre belle image du festival, on s'éloigne de la ville pour visiter le temple des singes. Bonne idée, parce qu'ici aussi on fête Holi, mais loin du tumulte et beaucoup plus respectueusement, sans compter que le temple est encore plus majestueux que ce à quoi nous nous attendions.



Après un déjeuner tardif, nous grimpons le chemin escarpé qui mène au Nahargarh, le fort du tigre, pour y apprécier un sompteux coucher de soleil sur le Rajasthan. La descente au crépuscule, aussi agréable que la montée, nous creuse l'appétit et on dîne des pâtisseries indiennes.


 Le lendemain est consacré au retour sur Dhampur, de 7h à 23h. 
C'est étonnant comment, quand on pense avoir atteint la limite de la désorganisation la plus totale, l'Inde nous prouve que nous en étions encore loin.
Les premières étapes étaient poutant bien huilées: bus de Jaipur à Delhi, délicieux déjeuner de riz à la noix de coco à Connaught Place, arrivée à la gare de New Delhi avec une heure d'avance. Heureusement que nous avions prévu la marge, parce que nous nous sommes trompées de gare. Comment faire la distinction entre la gare de Old Delhi et la gare de New Delhi quand les deux ont le code DLI sur nos billets?? On saute dans un rickshaw. A en juger par son obsession à vouloir doubler tout ce qui bouge (ça inclue les vaches), notre chauffeur a l'air d'avoir compris qu'on était pressées. Finalement pas tant que ça, à l'heure du départ notre train n'est pas encore en gare. Pire encore, quand enfin il arrive, il se vide mais ne se remplit pas. L'affichage finit par être modifié, changement de voie et 15 minutes de retard. 1 heure donc. Quand le train arrive, c'est la panique. Les wagons ne correspondent pas à ceux indiqués sur les billets. Alors que nous galopons tel un troupeau désorienté de part et d'autre de la gare, un employé numérote chaque wagon à la craie. Pas étonnant qu'une fois installés dans le train, nous soyons 3 ou 4 à avoir le même numéro de siège. Pas grave, depuis quand un siège n'est-il fait que pour une personne?

 Tout le monde le dit, il n'y a qu'à travers un trajet en train qu'on peut vraiment expérimenter l'Inde. Le paysage défile, on dépasse le cimetière des rickshaws, les décharges à perte de vue. Les superbes minarets et coupoles dominent le ciel de Delhi; à quelques mètres de là une femme en sari lave son bébé devant une hutte en boue au bord d'une rivière souillée; le cadavre d'une vache abandonné se putréfie au bord de la route; accrochées de part et d'autre des rues étroites, les guirlandes de Holi vont scintiller encore quelques jours.