jeudi 24 juin 2010

FINdia


Alors, c'était comment?
Si vous avez lu ce blog, vous savez. Si vous ne l'avez pas lu, lisez-le! Et en bref? C'était fabuleux, déstabilisant, enivrant, et incroyablement enrichissant.

Le top 3
Hummm.
1 exaeco: les îles Andaman et l' Himalaya. Les îles, c'est le paradis, et c'est une valeur sûre. Les montagnes, ça a été LA surprise du voyage, je ne m'attendais pas du tout à accrocher autant.
2: les temples de Khajuraho hors saison...on a eu l'impression d'être les premiers à découvrir le site, magique.
3: discerner un tigre camouflé dans son environnement naturel, majestueux.

Que penses-tu des indiens?
Question difficile. De certains peuples on peut dire qu'ils sont gentils, fainéants, généreux ou grincheux. Des indiens, je dirais surtout qu'ils sont beaucoup trop nombreux. Et du coup j'ai eu l'impression de voir de tout, partout, comme une représentation de notre monde, dans un seul continent. Le contact était plus facile et bien plus authentique à Dhampur qu'en back-pack. J'ai eu la chance d'apprendre à connaître mes voisins au fil des mois, alors qu'en voyage on revêt malgré nous le costume du portefeuille sur pattes, et les rencontres désintéressées sont rares.

En conclusion, le pays est magnifique, mais il faut prendre le temps, parce que les trajets sont longs, le chaos constant est pesant, et dépendant de la saison la chaleur est accablante. Ne vous imaginez pas qu'avec un petit ventilateur et une bouteille d'eau fraîche le tour est joué, parce que la majorité des patelins un peu paumé n'ont pas l'electricité H24. C'est imprévisible, désordonné, et bourré de charme. Je me suis laissé séduire, et j'ai fait des progrès phénoménaux en patience.


Comme son nom l'indique, cet article est le dernier de Sandindia. Si vous avez aimé, que vous en redemandez, je vous propose de me suivre sur Sandiscuter: http://sandiscuter.blogspot.com
NAMASTE!
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lundi 14 juin 2010

Village-hopping dans l'Himalaya


Quand on est arrive a Shimla, station climatique au pied du Grand Himalaya, il pleuvait comme vache qui...se soulage. Ca a dure toute la journee, et comme le parapluie ne faisait pas partie des invites, on s'est partage un K-way (enfin un sac en plastique), facon Laverne-Hoagie-Bernard (wink wink Zey).



Afin d'optimiser les 5 jours, on s'offre un trek dans la vallee du Kinnaur. Kaku, notre chauffeur-guide, est aussi amical que professionel. Chaque etape est plus epoustouflante que la precedente, nos chambres d'hote ont vue panoramique sur les imposantes reines blanches de l'Himalaya. Chaque jour on decouvre un nouveau village, de Narkanda a Chitkul, a 40km de la frontiere tibetaine, en passant par Sarahan, Sangla, Karcham, avec toujours plus de temples en bois et toits d'ardoise, de routes vertigineuses, de vallees de coniferes. Les randonnees sont parfois ardues, mais la vue est toujours une recompense a la hauteur. 
Le dernier jour on aurait bien signe pour encore 3 semaines, si ce n'est pour les ampoules, parce que les marches de 30 km sans chaussures adaptees, ca fait enrager les orteils!







Et comme tout est toujours loin de tout, on fait 9h de voiture, puis 9h de bus pour atteindre Dehradun, d'ou on attend un train de 6h pour rejoindre Delhi.
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dimanche 6 juin 2010

Shere Khan, Kama Sutra et lieu cache


Shere Khan au reveil
C'est un deuxieme reve realise. Le premier etait d'aller sur une ile. Avec l'escapade aux Andaman, c'est chose faite. Pour le deuxieme, j'etais dans une jeep lors d'un safari dans le Bandhavgarh National Park. La reserve compte 34 mammiferes et le tigre est le premier que nous ayons apercu a travers les feuillages a 6h du matin. Plus tard, nous avons aussi vu son diner, Bambi, ou plutot un troupeau de Bambi. Mes yeux fatiguaient a force de scanner la foret et scruter les buissons, mais nous avons aussi debusque de tres beaux oiseaux, des sambars et des singes.
Au final il faut bien avouer qu'apres 8 heures de jeep (de 5h a 9h et de 15h a 19h) si je n'avais pas vu de tigre j'aurais peste (je sais c'est mal, mais faut pas charrier, chez nous aussi il y a des biches et des oiseaux ;-). Mais apres avoir pu admirer la panthera tigris, mon sourire a tenu les 8 heures facile.


Karma Sutra
De Khajuraho je n'ai pas grand chose a dire. Par contre j'ai beaucoup a montrer! Tous les voyageurs que j'ai croise s'accordaient a dire qu'ils avaient vecu ici le pire harcelement touristique. Nous sommes arrives mefiants, et repartis enchantes. Hors saison le village est paisible, et meme si les commercants font tout pour aimanter nos roupies, ca n'a jamais ete enervant au point d'etre desagreable. On a meme fait quelques rencontres fort sympathiques, de celles qui sont denuees de tout interet economique (ou presque).
Les temples de la dynastie des Chandela, eriges il y a plus de 1000 ans, sont etonnamment bien conserves. Recouverts de statues erotiques (et plus si affinite), ils ont le merite d'offrir une visite surprenante, le but des Chandela ayant ete de representer le bodha - plaisir physique -, allie essentiel du yoga - exercice spirituel - pour atteindre le nirvana.




Caches
Nous sommes maintenant a Orccha, "lieu cache", un tout petit village construit autour des nombreux temples, palais et cenotaphes datant de l'epoque ou les rajas Bundela en ont fait leur capitale. La visite du palais principal offre un decor ideal pour le prochain James Bond. Nous avons joue a cache-cache avec le seul autre touriste dans l'enceinte, un espion assurement!


samedi 29 mai 2010

Le paradis avec un A


Si je vous dit cocotiers, plages de sable blanc, eau turquoise et poissons, ca fait cliche. Alors je vais plutot vous raconter qu'on est hors-saison, que donc il ne fait pas (tout le temps) beau, que du coup on a ces paradis perdus pour nous seuls, que meme sous la pluie c'est superbe, ca fait meme ressortir la jungle luxuriante.

Du coup pas le temps de s'ennuyer: on fait des chasses au tresor de coquillages, on organise une course pour les Bernard l'Hermite, on guette les crocodiles pres d'une cascade, on s'enfonce dans la jungle sur les traces des elephants, on tombe en panne d'essence et on (enfin Steph) pousse le scoot 3km, on sauve un dauphin blesse pris au piege a maree basse, on boit l'eau de coco a meme la noix, on body-surf des petits tubes parfaits sur une plage appelee N#5, on sert de casse-croute aux moustiques affames, on traine sur les ponts des bateaux d'ile en ile, on essuie une pluie de mousson tout equipes, on fait notre bapteme de plongee (je suis accro)...bref, les iles Andaman nous gatent.


...S...&...S...


Butler Bay, Little Andaman

Manish, notre moniteur de plongee chez Barefoot Scuba


Radha Nagar Beach, Havelock Island

Paisible et humide demeure


Shantiniketan. Depuis la gare de Barddhaman a 12 heures de train de Varanasi (14h donc), le village est sense etre facilement accessible par un train "express" de 45 minutes. Mais quand ce train (et tous les autres dans la meme direction) est annule 5 minutes apres que j'ai achete mon billet, ca devient tout de suite beaucoup plus complique. Deja, se faire rembourser le billet est une affaire de volume de voix et elasticite du bras. C'est a celui qui parvient a se faire entendre en tendant son billet au guichetier a travers la melee tout en esperant que la monnaie rendue atterrisse dans la bonne main. Une fois cette etape passee, direction la gare routiere. La-bas l'employe du service de bus publics est categorique, il n'y a pas de bus pour ce village. Pas maintenant, et pas plus tard. Pas demain non plus. Impossible de savoir si la route est bloquee, s'il y a une greve, si le village a disparu de la carte dans la nuit. En perseverant, je finis par trouver un bus "prive" qui s'y rend. Manque de bol on doit changer de vehicule a mi-chemin, et je me retrouve plus serree qu'un oeuf de caviar en conserve pour les 2 heures restantes. A 80 dans un bus (sans compter les gens sur le toit) et par 40 degres, je me liquefie litteralement. Quand on atteint enfin Bolpur, l'arret final a 2km de ma destination, il fait deja nuit. 

Dans le bus j'ai rencontre Sabir, un artiste peintre, et il connait des etudiantes qui peuvent me preter un lit. Le lendemain Sabir me fait visiter Shantiniketan, construit plus ou moins autour de la grande et prestigieuse universite fondee par Rabindranath Tagore en 1901. Le campus verdoyant abrite quantite de fresques et sculptures eclectiques.
Le soir Sabir invite quelques amis et cuisine un poulet Biryani, m'offrant au passage une experience des plus authentiques.
Je reprends la route le lendemain pour Kolkata. 
S&S = J-1.


Une des oeuvres de Sabir

lundi 17 mai 2010

Chez Rahul from Vara

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Varanasi est la ville la plus bruyante que j'ai traverse en Inde jusqu'a present. Les journees y sont rythmees par les frequentes et longues coupures d'electricite, consequence des trop nombreuses usines implantees pour traiter l'eau du Gange, polluant au passage les villages voisins jusqu'ici epargnes.
La vue sur les ghats de la plus vieille ville du pays, ou les rivieres Varuna et Assi se rejoignent, vaut a elle seule le detour. En dehors de cette activite touristique mais incontournable, la ville ne m'a pas charme mais j'etais ravie de la decouvrir avec Rahul, chez qui nous logions (enfin chez sa tante, la cousine de son pere).
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Nous avons admire les rives du Gange depuis une barque au crepuscule, assistant a la ceremonie de prieres quotidienne, puis aux cremations, elles aussi quotidiennes. Sans que ce soit programme nous avons fini par en voir une du debut a la fin (enfin presque), et au risque d'en choquer plus d'un, j'ai trouve ce spectacle bien moins morbide qu'un enterrement. Le tout a quelque chose de tres terre a terre, c'est le cycle de la vie et la mort, sans pudeur et sans artifices.
J'ai ete bien plus exasperee quand notre batelier a delicatement depose son gobelet de chai vide sur la surface du Gange, comme s'il s'agissait d'une bougie flottante. J'ai envisage un instant de l'attacher sur un des buchers fumants, mais la perspective de pagayer les 500 metres qui nous separaient du debarcadaire m'a retenu.
Sur l'un des ghats on peut admirer un petit temple nepalais dont les statuettes erotiques sont sans equivoque. Ces quelques figurines sculptees dans le bois des poutres font ressortir toute l'hypocrisie sexuelle de ce pays, ou les couples pretendent ne s'aimer que par les yeux, et ou un simple bisou sur la bouche est censure au cinema.

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Varanasi avec Rahul, c'etait aussi une apres-midi a Sarnath, ville ou Buddha vint prononcer son premier discours sur le "chemin du milieu" apres l'eveil a Bodhgaya; la visite de l'association de sa grand-mere qui s'occupe des femmes qui n'ont plus rien ni personne; la D Foundation, qui reunit des fonds pour les plus demunis, et l'ecole Krishnu Murti, qui est sous de nombreux aspects comparable a Pushp Niketan. 

C'est aussi a Varanasi, apres 2 semaines, que Natalia et moi nous sommes separees. Elle a rejoint Bombay pour quelques jours avant de s'envoler pour l'Europe. Je suis maintenant a Shantiniketan, qui signifie paisible demeure. Arriver jusqu'ici etait un periple en soi, mais ce sera au prochain episode, parce que le village ne dispose que de quelques heures d'electricite par jour et la coupure est imminente, me dit-on.

mardi 11 mai 2010

La version longue


Ok ok...Bodhgaya Express c'etait un peu limite comme resume. Alors remontons quelques jours en arriere.

Taupe vue sur Tiger Hill
A premiere vue, l'expedition ne vaut pas le reveil a 3h30 du matin. Non seulement il y a trop de nuages pour apercevoir la moindre montagne, mais en plus la colline est plus peuplee que les Galeries Lafayette la veille de Noel. La majorite des touristes sont indiens, donc 4 personnes sur 5 jettent leur gobelet de cafe par terre. Heureusement en s'eloignant un peu du troupeau, on trouve un coin paisible d'ou admirer le meme spectacle, a savoir un lever de soleil magique et mysterieux sur les montagnes himalayennes ennuagees.


On rentre a Darjeeling a pied, profitant d'une splendide vue et traversant les villages construits a flanc de colline pendant presque 3h. 
On a enchaine sur la visite du jardin botanique, une degustation de thes (mon prefere est le Puttabong, un the d'automne ambre, leger et fruite), et la decouverte de Petrichor, un cafe-atelier epatant tenu par un couple du coin. On y mange de la cuisine maison, on y peint, lit, discute, on y achete de l'artisanat fait main, le tout dans un decor familial et style. Un vrai repere d'artistes!
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Folle journee a Kolkata
Apres avoir depose nos sacs a la consigne de la gare, nous traversons la Hooglie en ferry, direction Victoria Memorial. La marche a travers le Maidan est epuisante. Cette partie de la ville n'est pas du tout faite pour les pietons. C'est une enfilade de grandes avenues sans ombre entourees de terrains de cricket. Je ne peux m'empecher de calculer le nombre de gens qu'on pourrait loger dans ces parcs bien trop grands.

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Pour fuir la chaleur, et parce que Natalia commencait a se sentir mal, nous avons decide d'assister a une piece de theatre qui venait de commencer a la Gallery of Fine Arts. C'etait en hindi, et c'est bien pour ca que je me suis regalee. Natalia a quitte la salle en plein milieu du spectacle et m'a dit de la retrouver a la clinique la plus proche. C'est la que la partie folle de la journee commence. Nous avons presque les memes guides (j'ai la version Inde du Nord en francais, elle a tout le pays en anglais) mais bien sur les cliniques indiquees ne sont pas les memes. Apres 2h de marche en plein cagnard j'ai vu 2 centres medicaux, mais pas de Natalia. Evidemment son tel n'a plus de batterie. Je me rends au cimetiere que je croyais etre Park Street, parce qu'on avait initialement convenu d'y jeter un oeil. Mon telephone n'a presque plus de batterie non plus, mais heureusement assez pour que Natalia arrive enfin a me joindre. On se donne rendez-vous a l'entree du cimetiere, ce qui, si j'avais ete dans le bon cimetiere, aurait ete facile! Ne le sachant pas, j'ai attendu, assistant malgre moi a une ceremonie a cercueil ouvert a l'entree. Finalement un vieux gentleman anglais, etonne de me voir la, s'inquiete de ma situation et m'aiguille vers le bon cimetiere. Quand j'arrive enfin a Park Street, je vois que Natalia a signe le registre d'entree, mais pas de sortie. On ne se trouve pas tout de suite, et se chercher entre les pierres tombales au milieu d'une semi jungle a quelque chose de surnaturel. 
En fin d'apres-midi on remonte vers la vieille ville, qu'on prefere tout de suite aux grands boulevards anglais. On traverse un centre commercial climatise, le marche aux viandes etouffant et puant, et arrivees devant un cinema populaire, on prend des billets pour la seance de 18h, parfait en attendant notre train. "Badmaash Company" est un pur produit de Bollywood. Beaucoup trop long, bourre de cliches, mais amusant. Observer le public en transe est presque aussi divertissant que de suivre le film en hindi (mais pas difficile a comprendre: moi gentil, toi mechant, moi aimer toi, dommage que toi pas aimer moi...ou alors si? FIN).

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Sur les traces de Buddha
A Bodhgaya on prend le temps de souffler. On a ralenti le rythme, volontairement ou sous l'effet de la chaleur.  On visite les nombreux temples le matin et au coucher du soleil. Le plus douloureux ce n'est pas la chaleur, c'est le fait qu'il n'y ait pas d'electricite. Donc pas de frigo, pas d'eau fraiche, pas de ventilateur. Dans les heures les plus chaudes, je pratique l'art de la sieste, comme hier, ou je teste le massage acupression, comme aujourd'hui (peut-etre le meilleur massage de ma vie).

 

Pour visiter la grotte dans laquelle Buddha a medite pendant 6 ans, on doit grimper un sentier escarpe, toujours en plein soleil. Mais le chemin vers l'illumination est seme d'embuches, et en pensant a Buddha (et surtout en mettant un pied devant l'autre), nous atteignons la grotte.
Le Mahabodhi Temple est le plus majestueux. Il a ete construit autour du peuplier sous lequel Siddhartha Gautama a ete illumine (enfin pas l'arbre original parce que la femme d'Ashoka l'a fait abattre, la garce) mais un tres beau et tres vieux quand meme, plante au meme endroit.

lundi 10 mai 2010

Bodhgaya Express


Rapide message depuis un cyber de Bodhgaya, lieu sacre de l'illumination de Buddha. Les temples sont aussi sublimes que ce que la chaleur est accablante. Aujourd'hui on s'est couchees dans un courant d'air de 13h a 16h. 
Apres Darjeeling, on a rejoint Kolkata en train de nuit, passe la journee a Kolkata (fou, speed, bruyant, mais pas desagreable) et repris un train de nuit pour Gaya. Je ne compterai pas le nombre d'heures qu'on a donc passe sans se doucher, mais je pense qu'on est monte d'un cran dans le classement des back-packeurs.
Cela dit je vous rassure, on s'est douchees a l'hotel ce matin :-)


jeudi 6 mai 2010

Tea? Yes please!


Et qu'est-ce qu'on boirait d'autre a Darjeeling? Un chocolat chaud? Mauvaise idee. J'ai teste, mieux vaut s'en tenir au the. La premiere variete que j'ai goute etait sensee rappeler la saveur du Muscadet (non le vin ne me manque pas!) A la premiere gorgee, je me dis "mouais, de loin et dans le noir!" Mais par la suite le gout est ressorti quand je faisais claquer ma langue contre mon palais.

Darjeeling, ou comment les anglais ont laisse leur trace dans les montagnes indiennes. L'architecture, la meteo, le the bien sur...meme l'accent des locaux sonne british
Un detour par la Happy Valley Tea Estate nous a permis de connaitre le secret du Super Fine Tip Golden Flowery Orange Picko 1, un the noir pret en 5 secondes chrono, a deguster sans sucre ni lait. Sur la colline d'en face, le Bhutia Busty Gompa offre une vue imprenable sur la vallee. En empruntant le raccourci derriere le monastere, on marche dans une foret dense et pentue pendant une vingtaine de minutes avant d'atterrir au Centre d'Entraide des Refugies Tibetains. On peut y visiter tous les ateliers fascinants, tissage, couture, peinture, et une exposition photo raconte l'histoire du centre cree en 1959.



mercredi 5 mai 2010

Au fil du train


Nous venons de nous installer a bord du train qui relie Tundla, au sud d'Agra, a New Jaipalguri, au sud de Darjeeling. On a bien failli le louper, les noms et numeros de la locomotive ne correspondant pas du tout a notre ticket. 
Le paysage en quittant Tundla est relativement desertique. Les champs sont secs, la terre ocre craque sous le soleil deja brulant du matin. Quelques habitations sommaires en brique bordent les rails, parfois les nuages de poussiere ternissent les murs des maisons bleu turquoise.Au milieu des champs les huttes sont en paille. Une femme en sari jaune et rose bat sa vache tandis que celle-ci lappe une flaque de boue. Tous les cinq cent metres se dresse un temple, parfois aussi petit que ce que les arbres sont grands. Un petit troupeau de chevres tachetees trotte le long des rails, suivi d'une petite fille en salwar-kamees rouge et bleu. Une moto la depasse pilotee par un jeune homme en chemise jaune fluo, qui fait vrombir le moteur et retentir le klaxon. Sur un chemin entre deux terres, un jeune homme en jean's et chemise a manches longues marche avec une allure determine. Impossible de deviner d'ou il vient ou ou il va.

Six heures plus tard le paysage n'a pas beaucoup change. Toujours aussi arides, les terres semblent etre sur le point de s'embraser. Des bottes de foin brunes sechent ci et la, les troupeaux de chevres et de vaches sont plus nombreux, les arbres plus grands. Leurs branches forment des noeuds tels qu'on croirait leurs pensees tortueuses. Ou peut-etre poussent-ils ainsi sous l'effet de la torture que leur inflige le soleil impitoyable, tentant de rester le plus pres du sol que possible, de crainte que leurs feuilles trop proches de la boule de feu ne s'enflamment.

Nous quittons la gare d'Allahabad. Le train surplombe les toits des maisons defonces. Entre les baches tenues par des briques quelques palmiers percent vers le ciel. L'artere centrale qui relie la gare au centre-ville grouille de l'animation habituelle que provoque la circulation. Apres quelques minutes l'entrechoquemement de metal que provoque notre passage sur un pont me fait lever la tete. Nous traversons la Yamuna. Le fleuve s'etire, large et scintillant, prend un virage a gauche et disparait derriere les arbres qui bordent la rive. La presence de l'eau a donne naissances a des plaines fertiles, et le paysage reflete a present une importante palette de verts. Une barque solitaire flotte au milieu du fleuve, surement rattachee au banc de sable central. Son reflet est pratiquement immobile et plonge dans une lumiere d'or blanc. Un hammeau de huttes se dresse a quelques metres de la. Le temps semble s'etre arrete, si ce n'est pour le linge multicolore qui flotte sur une corde entre deux arbres. Un groupe d'adolescents joue au cricket sur un terrain poussiereux jonche de buissons. 

La lumiere declinante de la fin d'apres-midi agremente tous les tons de vert et ocre d'etincelles dorees. Tout parait satine ou nacre, des troncs aux amas de terre, des murs de brique rouge en ruine aux herbes folles qui poussent entre les rails. Meme la laine des moutons est recouverte d'or, et les cornes des vaches brillent comme lustrees par le soleil couchant.
Le ciel est noir a present, le paysage est enveloppe dans une nuit opaque, dense et poussiereuse qui recouvre tout ce qui s'etent au-dela de la fenetre barree du train. C'est un noir bleute profond, comme si un pot d'encre avait ete renverse dans le ciel, caligraphiant l'ombre des buissons et cernant les arbres les plus hauts. Seules quelques lumieres eparses donnent vie aux champs, avec lesquelles pas une etoile n'ose rivaliser. L'air est chaud et lourd, et semble ecraser la surface de la terre de tout son poids.

Au reveil, vers 6h, l'air est sature d'humidite, le soleil n'arrive pas a percer l'epaisse couche de nuages qui tapisse le ciel d'un gris pale.Ca sied plutot bien a ces terres d'un ocre chair, ces plantations de bananes et de mangues. Beaucoup de hameaux d'une dizaine de huttes sont dissemines entre les plantations. Les habitants s'activent deja, certains travaillent au champ, les plus jeunes font leur toilette, les enfants sautillent sur le chemin de l'ecole. Leur uniforme compose d'une chemisette blanche a manches courtes et d'un short bleu marine contraste avec cet environnement resolument rural. Les montagnes sont encore trop timides pour se montrer. 

La meteo et le paysage ont change radicalement pendant le trajet de 3 heures en jeep.
En quelques secondes la jeep s'est retrouvee drapee dans un epais nuage gris gonfle d'eau. Et en quelques minutes toute cette eau s'est deversee, aussi violemment que si elle etait restee prisonniere un millier d'annees. Puis en un instant, il ne restait plus que le torrent degoulinant entre la route sinueuse et les rails du toy train pour temoigner de l'averse.
Un eclair a claque dans le ciel, le tonnerre a gronde dans la vallee et a repercute l'echo d'une note grave de branche en branche, la vibration glissant sur les feuilles alourdies par un tapis de grosses gouttes.
Derriere les immenses montagnes vert-bleues, un rayon de soleil a perce le ciel et on commence a distinguer la majestueuse Darjeeling.

lundi 3 mai 2010

Car j'etais sur la route...


Nous avons ete accueillies a Delhi par un ciel lourd et bas, pret a deverser toute sa colere, zebre d'eclairs parfois jaune parfois rose. Une atmosphere fantastique pour un premier jour de back-pack. Delhi n'etait qu'un arret strategique pour reserver nos billets de train et deposer nos valises chez la proprietaire de l'ecole.
Ca aurait du prendre 40 minutes a tout casser, mais evidemment l'adresse qui nous a ete donne n'existait pas. Au final on a passe plus de 2 heures avec le rickshaw-wallah, qui, comble de l'ironie, travaillait il y a 12 ans pour l'usine de sucre que nous venons de quitter.
Nous avons dine chez Paramjeet, un intervenant rencontre a l'ecole, a l'occasion de son troisieme anniversaire de mariage. Le fait que nous n'ayons qu'apercu sa femme me fait classer cet union dans la colonne des mariages arranges.
Nous sommes maintenant a Agra, parce que malgre qu'apres 4 mois je me sois beaucoup indianized, j'avais quand meme envie de voir le Taj Mahal.  La lumiere de l'aube etait tres flatteuse. Nous avons ensuite passe la journee a Fatehpur Sikri, acceuillies a la gare routiere par un jeune local qui nous a fait visiter la mosquee gratos avant de nous entrainer dans l'ecole du coin pour nous proposer d'etre volontaires. On doit le porter sur nous!


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dimanche 2 mai 2010

Le coeur lourd mais chanceux

S'il y a une chose qui n'etait pas indienne dans le spectacle de mercredi soir, c'est le fait que nous ayons commence a l'heure. La magie a opere pour la presentation du Magicien d'Oz. Les enfants ont ete formidables, et nos prieres au dieu du vent ont manifestement ete exhaucees. J'etais furieusement fiere de mes comediens, et c'est pourquoi j'ai ete decue que le public applaudisse si peu. La piece etant en anglais, je me suis demande s'ils avaient eu du mal a comprendre; pourtant j'avais prevu une narration en hindi au debut de chaque scene.
Mais une fois le spectacle termine, les compliments ont fuse et Rajesh m'a explique que le public indien rural n'applaudit tout simplement pas. C'est frustrant, mais tous les commentaires qui ont suivi m'ont rassure.

 Stephane est au courant...c'est Varun, mon amoureux indien ;-)

Le lendemain je me sentais completement videe. Dans chaque phrase j'entendais des repliques de la piece. J'avais encore beaucoup a faire pour le yearbook, mais j'ai surtout erre dans les couloirs en lancant des regards attendrissants aux enfants de retour dans leurs classes.
Je cherchais autant leur compagnie qu'eux la mienne, surtout les plus ages, qui avaient les roles principaux et dont je me suis donc beaucoup rapprochee. J'etais aux anges quand l'apres-midi nous avons pu passer plus d'une heure a faire des glissades dans la piscine a moitie remplie. J'avais a nouveau 12 ans, et rien que pour ca, pour m'avoir fait revivre des fragments si intenses de ma propre innocence, je les remercie.

 Delire Aquasplash
Je n'aurais jamais imagine que l'experience prendrait cette ampleur emotionnelle. Mais tout ce qui se construit lentement se construit solidement.
Samedi matin, quand j'ai pose mon sac dans la voiture qui allait nous conduire a la gare, j'ai murmure: "Let the crying begin!", et la ceremonie d'au-revoir etait effectivement intensement emouvante. Tous les enfants reunis devant l'ecole nous distribuaient des cartes, des cadeaux, des calins, des larmes, et moi je pleurais en leur promettant (en ME promettant) de leur rendre visite des que ce serait possible!
Dire au revoir a un adulte, passe encore. Parce qu'il comprend qu'on voyage, que notre vie est ailleurs (est-elle?), que ce n'est pas parce qu'on n'est pas bien qu'on s'en va. Mais un enfant...le sentiment d'abandon qui se lit dans ses yeux, l'envie de le voir grandir!...Voila pourquoi les larmes coulent.

Alors que je m'apprete a sillonner les rails de l'Inde du nord d'ouest en est, mon coeur est lourd de peine, mais allege par la chance et rempli de magie. De la peine, parce qu'ils me manquent deja, et que je ne sais pas si je les reverrai. Mais de la chance surtout, d'avoir ce fabuleux vecu, le partage, les rires et les sourires, les clins d'oeil et les gestes d'amitie, dans lesquels je pourrai puiser sans fin.
Tous ces enfants, et certains en particulier evidemment, se sont crees une place bien a eux dans mes plus beaux souvenirs, et je leur laisse une part de moi, confiante qu'elle sera bien gardee.

La classe VII, les plus grands, 
a qui j'ai laisse mon globe (ballon gonflable)  apres avoir 
dessine une croix a Dhampur et une croix a Paris.


PS: je tape depuis les cyber-cafes maintenant, donc plus d'accents... 


mardi 27 avril 2010

Ca sent la fin (snif? snif.)


Depuis plus d’une semaine, la connexion internet est coupée dans notre immeuble. Je me connecte depuis l’école, quand j’ai un moment. J’aurais eu beaucoup de mal à me faire à cette situation il y a 2 mois. Mais à 4 jours du départ, ça me semble moins grave.

Malgré qu’ils soient en majorité remplis par la pièce de théâtre, les derniers jours se suivent et ne se ressemblent pas. J’ai été malade pour mon dernier dimanche à Dhampur, et bizarrement, ça ne m’a pas embêté plus que ça. C’est ennuyeux bien sûr, mais en étant fataliste, c’est tellement indien de tomber malade comme ça, sans prévenir !
Je me suis fait violence pour accompagner Natalia, Rahul et Gautam lors de la sortie matinale au temple, parce que je savais que ce serait la dernière. J’avais beau être crampée (à ne pas confondre avec l’expression québécoise être crampée, qui signifierait que j’étais morte de rire, ce qui était loin d’être le cas), j’ai quand même réussi à apprécier la balade à vélo sur le porte-bagage de Rahul, le cadre paisible de ce temple en plein air, la fabuleuse atmosphère communautaire de tous ces gens unis dans leurs prières. La seule chose dont je n’ai pas profité, c’est le repas servi gratuitement à tout pèlerin dominical. 


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J’ai toujours autant d’horreurs à dire sur les moustiques. Ils m’aiment et je les déteste. L’autre jour, dans la salle informatique, mon bras gauche a servi de terrain de chasse pour une démonstration de père en fils. Le plus gros moustique a piqué le premier, sur le coude. Le plus petit s’est empressé de suivre l’exemple, plantant son dard dans de la chair plus tendre. « Comme ça papa ? » Si seulement il avait été trop gourmand, il aurait été trop lourd pour redécoller, et je l’aurais eu. Mais il a dégusté son repas rapidement et est parti digérer plus loin.
Ce soir dans la cuisine, j’ai eu affaire à des vicieux. Ils ont attendu que je sois en train de verser le lait bouillant dans la bouteille à travers une passoire pour se poser en bande sur mes poignets et bras. Evidemment ils avaient bien calculé leur coup, ils savaient que si je bougeais je renverserais le lait par terre. Mais ce qu’ils ignoraient, c’est que je suis incapable de laisser un moustique m’atterrir dessus et lui souhaiter bon appétit. Si je te vois, je te choppe, tant pis pour le lait ! Ceci dit ils ont dû se dire la même chose, parce qu’on est resté à égalité.
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Depuis que nous travaillons jour et (presque) nuit sur la pièce de théâtre, nous avons décidé de refaire appel au service de cantine qui s’est occupé de nos repas lors de notre arrivée. D’une on n’a plus le temps de cuisiner, de deux on est incapable de cuisiner indien (je sais, quelle honte) et croyez-le ou non, leurs épices commençaient à nous manquer cruellement !
Au passage, pour ceux qui m'embêtent encore avec leurs doutes quant à mon allergie/dégoût pour la coriandre, ce lien est pour vous: http://www.nytimes.com/2010/04/14/dining/14curious.html
L’autre soir nous avons pique-niqué dans la salle d’art où nous peignons les décors, avec Rahul et Gautam. Nous testions les spots d’éclairage pour le spectacle, et la soirée s’est vite transformée en Shadow Dinner.


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Dhampur aussi a sa fête foraine, avec stands de tir et manèges. Comme cette roue, aux couleurs du drapeau indien, dont la structure est sûrement plus vieille que la grand-mère édentée qui vend les tickets d’entrée. Je me demande encore comment elle fonctionne (la roue, pas la grand-mère, quoique...)  J’ai cherché le moteur, mais n’ai trouvé ni engin, ni câble. Vu la vitesse à laquelle elle tournait, ils devaient être une bonne douzaine à pédaler !  (là encore, je parle de la roue bien sûr). Je vous entends d’ici « mais pourquoi diable t’es-tu sentie obligée de monter là-dedans ? » Vous souvenez-vous de ma description de la procession de danseurs qui nous aspirent lors des mariages ? J’avais à peu près autant le choix de monter dans une nacelle que d'éviter la foule lors de ces marées humaines.


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La collocation a ses avantages et ses inconvenients, on le sait tous. Et je trouve que la communication par frigo interposé a son charme, comme ce petit message m’indiquant que le lait a été bouilli (et que je peux donc m’en servir pour mes céréales). On voit aussi que notre frigo est d’un vert improbable. Enfin on peut se demander ce que fait la chaise devant le frigo (et on aurait raison). Elle sert à dissuader les singes de venir se servir sur nos étagères. C’est arrivé un peu trop souvent ces derniers temps, et on en a eu franchement ras le bol de retourner au marché tous les jours faire le plein de tomates, concombres, bananes, mangues…


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Presque un mois déjà que je nageais plus d’une heure quotidiennement. Je n’avais pas raté un jour, et sans m’en rendre compte j’étais devenue complètement accro à ma pause natation. Depuis dimanche je suis en désintox, puisque la piscine a été vidée pour nettoyage. Je n'ai pas bien saisi ce qu'ils nettoient, nous la trouvions tous très propre, mais le fait est qu’elle restera fermée quelques jours encore, et que ça m’a provoqué une crise de manque intense cet après-midi. Après 5 minutes à barboter dans mon seau, l’inconfort a pris le dessus et j’ai compensé par une séance de yoga, ayant cruellement besoin de mon « shoot » de sport.


mercredi 21 avril 2010

Heureux: E, R, E


« Sandie, est-ce que je peux te demander quelque chose ? » Lakshmi est en train de cuisiner. Ses ingrédients et ustensiles sont alignés sur le comptoir, une casserole de lait frémit à feu doux. Alors qu’elle coupe une gousse d’ail, elle se tourne vers moi. « Comment fais-tu pour avoir l’air tout le temps heureuse ? » La question me désempare, et me flatte. C’est un des plus beaux compliments qu’on puisse me faire en ce moment. Et dire qu’il y a à peine quelques jours, j’en étais à me demander si l’équipe toute entière ne me détestait pas. J’ai l’impression d’être sans arrêt en train de les embêter ou leur poser des problèmes avec mes requêtes pour la mise en scène de la pièce de théâtre. Visiblement j’ai été capable de masquer mes éclats de frustration, et Lakshmi confirme « je ne t’ai jamais vu avec une expression triste ». Je ne trouve qu’une réponse logique « si j’ai l’air heureuse, c’est que je le suis, je suppose :-) ».



samedi 17 avril 2010

WoOz Indian style


J’y pense toute la journée, j’en rêve la nuit. J’ai les chansons coincées dans la tête, je connais les dialogues par cœur. Je le chante, je le récite, je le décore, je le peins, je l’accessoirise, je l’habille, je l’éclaire, je le mets en scène. J’avais une vague idée du travail que ça représentait, mais j’étais loin de m’imaginer ce que ça coûterait. Pas en roupies, mais en énergie !

Dans 10 jours, on présente WoOz (the Wizard of Oz). Il y a deux jours, nous avions à peine commencé à peindre le premier décor, nous n’avions aucun costume, et certains des rôles principaux ne connaissaient toujours pas leurs lignes. Je m’arrachais les cheveux (si seulement ça pouvait être ceux qui sont restés rose depuis Holi), et toute l’énergie que je déployais me semblait perdue. En l’espace de deux jours, on a fait des progrès considérables, et j’ai repris confiance. Je déploie toujours autant d’énergie, mais maintenant elle m’apparait exponentielle.

Monter un spectacle de A à Z est une expérience formidable, surtout quand on fabrique au lieu d’acheter. Hier en retournant vers ma chambre, je suis passée devant le hangar dans lequel travaille le charpentier, et j’ai vu se dresser devant moi la porte que j’avais dessiné, dont j’ai besoin pour un décor. A partir de là j’ai vu que mes efforts aboutissaient, et je me suis sentie revigorée.

Aujourd’hui j’ai eu rendez-vous avec le tailleur, qui va façonner les 16 costumes que j’ai dessiné avec le tissu que j’ai acheté, et le monteur de la scène, qui installe une estrade, des coulisses et des escaliers selon mes instructions dans un décor naturel. Natalia a écrit et composé la musique. Elle travaille à présent avec les rôles principaux pour leurs solos et avec les classes entières pour quelques morceaux en chorale. Nous avons la majorité des accessoires, et une date pour les tests de son et éclairage. Les enfants n’ont plus besoin du script pour travailler, et ils commencent à connaître leurs déplacements. Quand le petit public qui assistait à la dernière répétition a ri pendant une scène, j’en ai eu des frissons. Alleluja ! Il reste beaucoup à faire, mais puisqu’on la joue Indian Style, 10 jours devraient suffire ! 

 
(Pour ceux qui se demandaient encore, après 4 mois, ce que je pouvais bien fabriquer en Inde, maintenant vous savez !)

jeudi 8 avril 2010

De...à...


Il court dans le couloir, suivi de quatre de ses camarades. La feuille qu’il serre dans sa main est froissée. Quelqu’un finit par la lui arracher. Puis quelqu’un d’autre. Puis moi. Je déplie la feuille, et sans même la lire, je prétends réagir à une lettre d’amour. Le groupe éclate de rire, mais quand je tourne la tête je m’aperçois qu’elle, au fond de la classe, ne rit pas. Elle me lance même un regard qui veut dire « ce n’est pas drôle du tout ». Oh la boulette. Ca fait un bout de temps pour moi, les bouts de papier qui circulent en classe. Se pourrait-il vraiment que Varun ait écrit une lettre d’amour à Anshuma ? N’est-ce pas étrange à douze ans, alors qu’il en parait 8 et elle 14 ? Aïe le coup de vieux. En y repensant bien, je crois que j’étais déjà experte en lettres d’amour à 12 ans. Cela dit la lettre ne dévoile pas de sentiments, elle dit juste : « De Varun à Anshuma : je suis désolé, reparle-moi s’il te plaît, vraiment désolé désolé ». Puis, plus bas « de Anshuma à Varun : pourquoi ? ». Varun a l’air embêté, mais il garde le sourire. Quand je prends Anshuma à l’écart, elle a les larmes aux yeux. Impossible de savoir ce qu’il s’est passé, mais je déchiffre que Varun aurait été insultant, et que depuis Anshuma ne veut plus lui parler. Du coup ils communiquent par papier interposé.
J’explique à Anshuma que si Varun s’excuse, il faut lui laisser une chance de se rattraper. Elle consent à acquiescer, mais je sens bien que c’est la réponse d’une élève à une prof…A cet instant, j’ai envie de porter le même uniforme qu’elle, l’agripper par les épaules et l’emmener se réfugier aux toilettes en lui disant « T’inquiète, tout’ façon c’est qu’un débile mental, j’suis sûre qu’il fait encore pipi au lit. » J’y songe un instant, mais je suis résolument trop grande (si si…), et pas assez experte en Hindi. Je retourne donc à ma position de prof, ne serait-ce que parce qu’il faut que je trouve un moyen de sauver l’ambiance de mes répétitions ! Que va devenir le Magicien d’Oz si Dorothy ne parle plus à Tinman ?


lundi 5 avril 2010

Embrouille à l'indienne


Quand on découvre une culture, il est aussi fascinant de voir les gens rire et comprendre leur humour que les voir se quereller et comprendre leur manière de gérer un conflit. En revenant d’Haridwar, j’ai été réveillée par une belle prise de bec entre Gautam et le « caissier » du bus, qui lui a imposé un supplément juste avant de nous déposer, sûrement parce qu’il accompagnait deux étrangères. J’ai trouvé que le hindi était une jolie langue pour se fâcher.

Ce week-end nous sommes allés en bande passer la nuit de samedi dans une ferme. Il est sous-entendu que ce genre de rassemblement est accompagné d’une soirée. A minuit, nous avons fêté les 35 ans d’un des professeurs. Après même pas 10 minutes de musique, un des pères de famille qui s’était déjà couché est venu débrancher la sono. Bonjour l’ambiance ! Du coup, de 00h10 à 1h30, la fête a consisté en un gros débat qui opposait le porte-parole des dormeurs, seul, face à une vingtaine de fêtards. Pour mon grand plaisir, la majorité de l’argumentation s’est faite en anglais. Le conflit d’origine (tapage nocturne) a vite laissé place à une multitude de problèmes annexes, tous plus tirés par les cheveux. Un coup c’est l’heure qui est trop tardive, ensuite c’est le choix de la musique (ceci dit, j’avoue que je suis d’accord avec le causeur de trouble sur ce point, aucune heure du jour ou de la nuit n’est propice à passer Shakira). Puisque le chef du clan des fêtards insistait pour que tous les membres participent à la discussion, je me suis permis de glisser un commentaire sur les aléas de la vie en communauté, et sur le fait que chacun était libre de venir ou non à cette sortie…Mon but n’étant pas d’envenimer la situation (quoique ça aurait pu être drôle) je me suis bien gardée de faire remarquer au plaintif que moi je me passerais bien des cris de sa fille à  6h du mat’.

A part ça, la ferme qui se trouvait à la frontière du parc national Jim Corbett était fort agréable, et le dîner préparé à plus de vingt était délicieux :-)

jeudi 1 avril 2010

Wholy wheat!

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Pour aller en ville à pied, on traverse un champ. Jusqu'à la semaine dernière, c'était un champ de cannes à sucre. La récolte ayant eu lieu maintenant, on a perdu nos repères. Mais ça m'a permis de remarquer ce très beau champ de blé, que je n'aurais jamais vu, trop fascinée par les cannes à sucre qui font deux fois ma taille.

mercredi 31 mars 2010

Bain de culture à Haridwar

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Ca fait quelques temps déjà que Natalia et moi évoquions l’envie d’aller à Haridwar, et Gautam nous avait répondu qu’il y avait de la famille. Nous avons donc convenu d’y passer le week-end.
Le bus, qui aurait dû durer un peu moins de 2 heures, a mis plus de 3h30 (après tout je ne sais même pas pourquoi je le mentionne !) Vers 23h, Gautam nous indique que sa tante habite à 30 minutes (1h30 donc) et il s’aperçoit que ça fait peut-être un peu loin. Quelques coups de fil plus tard, il est convenu que nous logions dans une autre branche de sa  « famille ». Le terme famille étant exagérément étendu ici (il englobe tout un tas de personnes qui ne sont techniquement pas de la famille) impossible de savoir chez qui nous serons. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de lever le mystère, mais quand on lui demande si c’est une autre tante, Gautam répond « on peut dire ça oui »…d’accord. Tout comme pour son âge ou les dates en général, savoir qui est ''génétiquement'' de sa famille n’a pas l'air crucial. 
Cette tante-là donc, il la connait pour l’avoir rencontré à Dhampur, mais il n’est jamais allé chez elle. V’la aut’chose ! Après avoir déambulé une bonne demi-heure, nous sonnons à une porte. Contre toute attente, c’est un étranger qui pointe le bout de son nez au balcon. Il nous toise d’un air suspicieux, et je le comprends. Que font deux blanches et un indien à cette heure dans un quartier résidentiel ? On essaye de lui expliquer qu’on cherche la famille de notre ami, ce qui le rend encore plus méfiant. « Ne devrait-il pas savoir où ils habitent, si c’est sa famille ? » Oui mais, on est en Inde, et c’est Gautam !
Vers minuit et demi on pose enfin nos sacs chez la tante. Elle nous sert le chaï et les biscuits comme s’il était 4h de l’après-midi. Plusieurs membres de la famille (ça inclut peut-être les voisins, les amis, le chauffeur…) se joignent à nous, apparemment trop curieux pour attendre le lendemain. Natalia et moi sommes exténuées, mais ça n’a pas l’air de les déranger. On grignote en silence, puisque après tout, pas besoin de parler, on peut se regarder, c’est déjà tellement fascinant ! De toute façon entre notre hindi et leur anglais…la communication est limitée.
On espère que nos bâillements à répétition vont faire passer le message, mais non. On commence donc à se préparer…je m’éclipse pour enfiler mon pyjama et me brosser les dents, Natalia transfère les coussins d’un canapé à l’autre…Quand je reviens la smala est toujours installée dans la pièce qui va nous servir de chambre. Aïe, comment dit-on « dodo » chez eux ?? Une fois le lit déplié, la tante et sa fille sont toujours là, assises au bord lit ! Il a fallu qu’on se glisse sous les draps pour qu’enfin elles acceptent de nous laisser dormir. Je savais que la notion d’espace n’était pas la même, mais rien de tel qu’une petite mise en condition pour s’imprégner du concept !

Le réveil sonne à 8 heures, dans l’espoir de profiter de la journée. C’est sans compter que la tante insiste pour nous servir le petit déjeuner, certes délicieux, mais à 10h30 ! Je sais, quand on est chez les gens, on s’adapte, mais je ne suis pas très à l’aise parce que mon ami Franck, le réalisateur de "Around Canada" avec qui j’ai travaillé à Montréal, nous attend à son hôtel. Il commence son tour du monde par l’Inde et a fait 6 heures de bus pour qu’on se retrouve à Haridwar.
Deux « cousines » de Gautam (pour autant on ne sait pas vraiment si ce sont les filles de la « tante ») nous servent de guide tout au long de la journée. Au programme, visite de temples, balade sur les quais du Gange, bain (juste les pieds pour moi). La rivière à cet endroit est encore relativement propre, elle coule tout droit de l’Himalaya (non pas que ce soit déterminant pour les indiens). 


 En cette période de Kumb Mela, Haridwar rappelle vaguement Las Vegas sans les casinos (mais avec les lumières), et Disneyland sans les manèges (mais avec les files d’attente). La Kumb Mela est le plus gros rassemblement religieux au monde. Elle a lieu tous les 12 ans (chanceuse!) et dure un peu plus d’un mois. Le soir nous avons donc assisté au rituel que viennent accomplir des milliers de pèlerins, à savoir allumer une bougie que l’on dépose sur la surface du Gange. On est resté quelques temps assis à contempler le spectacle des flammes qui vacillent au gré des flots.


J’ai deux manières de réagir à une atmosphère embarrassante. Soit ça me pèse, je suis grincheuse et ça se voit, soit je fais le clown. Sans que je puisse vraiment contrôler quelle réaction je vais avoir, elles se font pratiquement tout le temps dans cet ordre. Après avoir été passablement énervée par le comportement de notre famille d’accueil, je suis passée en mode clown au dîner. Ça a détendu l’atmosphère, et quand à 2 heures du matin ils me demandaient encore des pitreries, j’ai préféré en rire.

Le lendemain nous parvenons à décoller tôt, malgré un au-revoir charmant mais interminable sur le pas de la porte. On rejoint Rishikesh dans la matinée, et à peine sortie du bus je préfère déjà cette ville à Haridwar. C’est touristique, mais on comprend pourquoi. Ici tout est plus paisible, même le Gange semble couler un peu moins vite. Pour l’anecdote, Rishikesh est devenu la capitale mondiale du yoga depuis que les Beatles y ont fait un séjour en ashram en 1960. Nous on se contentera de faire une belle randonnée avec chutes et bains d'eau et de soleil à la clé.J'en profite aussi pour acheter des bracelets de cheville, histoire de compléter ma panoplie de la parfaite hippie. J'ai résisté à l'envie de me (re)percer le nez, mais j'ai toujours des mèches rose-rouge en souvenir de Holi.

Le retour sur Dhampur est interminable, à cause de la Kumb Mela il y a un trafic monstre et notre bus est plein à craquer. Mais comme souvent, ces détails sont insignifiants comparé au plaisir de la découverte.